La pêche aux Philippines

Un peuple de pêcheurs

Les Philippines, avec leurs 7107 îles, 17 640 km de côtes et 150 millions d’hectares d’eaux marines, sont un peuple de pêcheurs avant tout. Les produits de la mer font partie intégrante du régime alimentaire philippin, apportant plus de la moitié des protéines qu’ils consomment. Par ailleurs, la variété des poissons marins dans l’archipel (plus de 2000 espèces de poissons et environ 5000 espèces de mollusques et crustacés) permet de pêcher toute l’année. Plus d’un million de Philippins pêchent en mer ; environ 80 % d’entre eux sont de petits pêcheurs qui utilisent des méthodes traditionnelles peu coûteuses et respectueuses de l’environnement, comme la pêche à la ligne, avec de petits filets, ou utilisant la fascine à poisson. Ces méthodes de pêche durable leurs ont longtemps permis de subvenir à leurs besoins et ceux de leur famille.

Femmes de pêcheurs étalant des calamars
sur des supports en bambou, pour les faire sécher

De la pêche artisanale à la pêche commerciale

Cependant, depuis les années 70, diverses décisions politiques ont mis à mal ce moyen de subsistance. En cause : la commercialisation des eaux philippines, avec notamment la ratification du traité sur le droit de la mer en 1978 définissant les droits et les devoirs des nations dans l’utilisation des ressources marines. En effet, ce traité, en même temps qu’il autorisait l’élargissement des eaux territoriales, exigeait une exploitation complète des ressources de ces eaux. Le gouvernement philippin dut ainsi autoriser des investisseurs étrangers à exploiter ses ressources marines, sans pouvoir les taxer. Japonais, Américains, Canadiens et Australiens ont alors renforcé leur présence dans les eaux Philippines, développant l’utilisation de méthodes de pêche commerciale. Ces nouvelles méthodes ont certes profité aux Philippins qui ont globalement augmenté leur production de poisson, mais ce fut au détriment des petits pêcheurs : l’intensification de la pêche au large des côtes a engendré un déclin des populations de poissons dans les zones côtières. Sans compter l’augmentation de la population vivant en bord de mer, ce en raison de divers facteurs (augmentation globale de la population, difficulté à survivre dans les campagnes philippines où la monoculture domine), et qui faute d’autres opportunités se tourne vers la pêche comme moyen de subsistance.

Surpêche et méthodes interdites :
une lourde menace pour l’écosystème philippin et pour la population

Conséquence directe de tout cela : les pêcheurs doivent s’éloigner davantage des côtes pour parvenir à une prise équivalente. Ce qui induit des coûts supplémentaires, obligeant à augmenter la production. Dans de nombreux endroits, les pêcheurs philippins, incapables d’absorber ces coûts, se sont tournés vers une méthode radicale maintenant interdite : la pêche à l’explosif. Une méthode qui nécessite peu d’investissement, et qui rapporte immédiatement. Mais qui détruit l’écosystème (les coraux mais aussi les jeunes poissons) au détriment des pêcheurs eux-mêmes, sans parler des accidents qui les amputent parfois d’une main… D’autres pêcheurs se sont vus contraints de travailler pour des sociétés de pêche multinationales, ou pour une classe aisée d’hommes d’affaires, également propriétaires de bateaux de pêche sans être pêcheurs eux-mêmes.

 Heureusement, l’espoir est permis : les Philippins prennent petit à petit conscience des enjeux écologiques et économiques liés aux pratiques « modernes » de pêche, qui risquent bel et bien de tuer la poule aux œufs d’or. Des actions sont donc menées, tant au niveau local que gouvernemental et même international, qui tendent vers une protection des écosystèmes marins. Mais le chemin sera long avant que les pêcheurs Philippins ne jouissent à nouveau de la richesse des eaux d’autrefois…

Emmanuelle Morin